Traditions____________Le Baron de Reinsberg-Düringsfeld - 1870 |
FÈVE ET FÊTE DES ROIS___________________ |
" Traditions des légendes de
la
Belgiques: description des fêtes religieuses et civiles, usages,
croyances et pratiques populaires des Belges anciens et modernes".
Livre écrit par le Baron de Reinsberg-Düringsfeld - 1870
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La
fête des rois et la coutume de la fève
Dans le pays de Limbourg, les fermiers et les propriétaires réunissent, le soir, à un repas copieux tous leurs ouvriers jusqu'à ceux qui n'ont travaillé pour eux qu'une seule fois pendant toute l'année, et le repas fini on tire le roi. Car la coutume bien connue de tirer et de proclamer, un roi est la cérémonie principale de ce jour, quoique en beaucoup d'endroits elle ne se fasse que le jour des Rois même. Aussi ne connaît-on, chez les Flamands, les gâteaux à la fève que dans quelques districts de la province de Limbourg, où un gâteau énorme, contenant une ou deux fèves, est placé sur la table et coupé en morceaux. Les trois premières portions sont pour la sainte Famille et deviennent la part des pauvres, les autres sont distribuées parmi les assistants. Celui qui dans son morceau trouve la fève est proclamé roi et choisit une reine, si l'on n'a pas mis deux fèves dans le gâteau pour tirer la reine à l'égal du roi. L'un comme l'autre doivent régaler toute la compagnie le jour des Rois. Si par hasard la fève ne se trouve pas dans les portions qui ont été distribuées, alors, pour avoir le droit de la chercher dans la part des pauvres, qui s'appelle « part à Dieu », on la rachète par une aumône pour les nécessiteux et les malades du village. Quant à l'origine de cette coutume de tirer la fève et d'élire par le sort un roi, cette cérémonie nous vient des saturnales, que célébraient les Romains aux calendes de janvier. Pendant ces fêtes les écoles étaient fermées, le sénat vaquait, toutes les affaires publiques et particulières étaient comme suspendue et toute distinction de rang disparaissait. L'esclave mangeait à la table de son maître et le sort de la fève pouvait leur échoir, comme à un consul romain . Car à l'imitation des anciens Grecs qui, à leurs festins élisaient par le sort un basileus ou roi, dont la fonction était de vaquer à l'arrangement et à l'ordre de la table, les Romains choisissaient leur magister convivii, maître de festin, qui s'appelait aussi rex, roi, ou modimperator, maître du boire, et qui veillait sur tout ce qui concernait les lois dites conviviales. Cette élection se faisait en certains endroits par le moyen d'une fève dans un gâteau que l'on partageait avant le repas, et afin que les portions du gâteau fussent distribuées sans préférence, on mettait sous la table un enfant qui représentait Apollon et qu'on consultait en criant: Phoebe domine, seigneur Apollon! Cet usage s'est conservé en France et il est même quelques provinces où les paysans n'omettent point le cri romain Phoebe domine sans en savoir la signification . Il y a longtemps que la coutume d'élire un roi subsiste en Belgique. Dans la vieille Chronique du moine Egidius li Muisis, abbé de Saint-Martin à Tournai, on lit que déjà en 1281: selon une ancienne coutume les citoyens les plus aisés et leurs fils se réunirent fraternellement autour d'une vaste table ronde et élurent un roi . |