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LA SORCIÈRE DE PONTHO__________________
 

Tiré d'un document des Archives de l'Etat de Huy : Cours de justice de Clavier N° 76.   

    Au XVIe  siècle, le Condroz comme beaucoup d’autres régions, connut une « chasse aux sorcières » impressionnante pendant plus d’un siècle. Béatrice de Pontho, accusée d’avoir fait un pacte avec le diable, fut poursuivie par la justice. Un long procès, avec audition de vingt et un témoins ayant été en contact avec la dame, eut lieu au cours de l’année 1588 devant la cour de justice d’Ochain. Les personnes reconnues de sorcellerie, encouraient des peines telles que l’exposition au pilori, la pendaison ou le bûché.

    Encore à cette époque, les populations rurales pratiquaient une religion archaïque dans laquelle la vierge, les saints, le diable, côtoyaient les matrones, fées, nutons et autres loups-garous, formant quantités de superstitions mi-païennes, mi-chrétiennes. C’est surtout l’église, pour atteindre ses objectifs, qui avec l’aide des autorités, réprima toutes les formes de déviations religieuses ou morales en désaccord avec ses dogmes.

    En cette année 1588 une enquête est donc menée par la cour de justice d’Ochain à la requête de Messire Jean d’Argenteau, chevalier seigneur du lieu, au sujet des agissements de Béatrice de Pontho.

    Les témoins requis, après avoir juré de dire la pure et sincère vérité, exposent ce qu’ils en savent  ou en ont entendu parler sur les accusations et s’ils connaissent Béatrice de Pontho qui sera publiquement accusée de sorcellerie. Les témoignages recueillis au cours de l’enquête exposent que Béatrice habitait la maison de feu Jean le Mercenier à Pontho. Alexandre de Pontho, dix à douze ans peu plus avant, passant devant la maison et ne souffrant d’aucune maladie, tombe par terre et incontinent, perd bras et jambes. Appelant à l’aide, Béatrice sort de sa maison pour l’aider et ôte ses chaussures pour le frotter avec les mains. Craignant quelque poison, Alexandre trouve moyen d’avoir de son pain et l’ayant mangé, il commence à aller mieux. Il vient demeurer avec elle et lui promet que s’il guérit, il épousera sa fille. Sur ce, Béatrice fait un bain avec des herbes, l’en lave dans un tonneau par tout le corps et le couvre d’accoutrements. Elle enduit ses jambes avec un onguent noir qu’elle dit être du sein de blaireau. Elle le fit jusqu’à sa guérison. Mais par la suite, Alexandre épouse la fille de Mathieu d’Atrin : ils perdent leurs vaches et un poulain !

    Un enfant de Mathieu, malade quelques années auparavant et ayant obtenu du pain de Béatrice, fut guéri. Son cheval malade, ayant mangé du pain de Béatrice, fut guéri lui aussi. L’épouse de Jean de Pair, sur son lit de mort déclara qu’elle périssait victime d’un poison que Béatrice lui avait donné. La femme de Simon, ayant mangé des fraises de Béatrice, les vomit telles qu’elle les avait avalées et en demeura malade. La rumeur accuse aussi Béatrice d’avoir empoisonner l’épouse de Pirotte de Pair qui en serait morte. Elle aurait encore empoisonné la fille de Jean le Texheur. Celle-ci ayant trouvé moyen d’avoir du pain de Béatrice, s’acheminerait maintenant vers la guérison.

    Tous les témoins déclarent  que Béatrice a la réputation d’être une sorcière. Manger de son pain était le meilleur moyen, tant pour les animaux, que pour les gens, de guérir d’un ensorcellement provoqué de sa main. Par le témoignage de Noette, on apprend que Béatrice déclare qu’Alexandre serait fort malade, mais qu’il ne mourra pas. Celui-ci avait une vache fort malade, et il se disait que l’animal avait une boulette sous la gorge dans laquelle se trouvait le venin. Pour Henri, revenant de la messe, Béatrice l’ayant touché trois fois aux épaules si vite qu’il lui semblait qu’elle ne l’avait touché qu’une seule fois, en contracta des marques hideuses, associées à un lourd fardeau dont il n’est toujours pas guéri. Le doyen de Corbion confirma l’empoisonnement de Henri par le toucher et s’employa à le soigner par de grandes sermonies, onguents et agnus dei. Catherine aussi, à la messe un vendredi saint, alors qu’elle ne souffrait d’aucuns mal, fut touchée au bras par Béatrice. Souffrant du bras, sa maladie empire durant deux ans, pour finalement en mourir. L’épouse de Simon, après avoir mangé des fraises de Béatrice, devient malade. Après une longue agonie, elle en meurt, non sans avoir affirmer que Béatrice lui avait fait sa maladie, alors qu’elle était une habituée de la maison.

    Tous ne rendaient pas Béatrice responsable du décès de certaines personnes du village. Cependant elle donnait à boire un breuvage fait de vin blanc et d’herbes qui convenaient, pour les aider dans leur maladie et chacun s’évertuait à obtenir de son pain, pour en manger et contrer le mauvais sort. Les villageois soupçonne Béatrice d’avoir fait périr de nombreux chevaux, bœufs et vaches au cours des années. Malgré sa réputation de sorcière, chacun la côtoie et lui ouvre sa porte. On mange ses fraises ou cerises et on festoie parfois chez elle. Ses remèdes et autres breuvages guérisseurs sont acceptés sans difficulté.

    La cour d’Ochain ordonne l’arrestation de Béatrice, jugeant les dépositions suffisamment accablantes. Incarcérée au château d’Ochain et interrogée, celle-ci nie toutes les accusations et délits portés contre elle. Les juges décident un délai de trois jours pour lui permettre des aveux, avant de subir la torture froide et chaude. Etirée sur un chevalet, on lui ferait boire alternativement une grande quantité d’eau froide et chaude. La preuve de culpabilité de la personne torturée ne pouvait être que l’aveu. Béatrice assure endurer toutes les tortures, plutôt que d’avouer être une sorcière. Dix jours plus tard, maintenant ses dénégations, Béatrice subit le supplice ; interrogatoire sous la torture pendant lequel elle continue de clamer son innocence. C’est alors au Conseil provincial de Luxembourg, cour suprême du duché de dicter la sentence.

    De par son comportement, les juristes proclament sa libération sous condition de rester à la disposition de la justice. Dans l’acte de la cour de justice d’Ochain, il est dit que Béatrice a fait purgation des accusations, à la force de son corps. Elle doit néanmoins payer 34 florins Brabant pour les frais du procès. 

               Bibliographie : P. Bauwens – Les Annales de la ville de Huy.

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