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    Légendes____________________Texte de Jo. Chapelle - Cercle 
                                                                 d'Histoire et de Folklore de Marchin



LA GUÉRISON DE MATHIEU PÈQUET_________

  " Texte de Jo. Chapelle - Les feuillets du Cercle d'Histoire et de Folklore de Marchin ."

     Mathieu tenait son surnom de l'amour immodéré qu'il portait au bon vieux genièvre de chez nous. Les soirs de paye, aux papineries de Waldor, il rapportait péniblement à sa femme la moitié de sa quinzaine en espèce sonnantes et l'autre moitié en alcool ingurgité. Les cabaretiers du village ne pouvait plus compter les plats-culs qu'il avait vidés. Sa renommée de saoulée s'étendait de Saint-Léonard à Molu. Mais on comprend que sa femme ne fut pas très heureuse de ces rentrées tardives et de ces dépenses continuelles. Le ménage était pauvre et l'entente du foyer se désagrégeait. Bertine s'en ouvrit au curé, un vieux sage à la bonne humeur légendaire. " ne vous en faites pas, Bertine, il y a longtemps que je cherche à convertir votre mari, mais son vice le domine et il  est  incapable de résister à la soif. Je m'en vais chercher moyen de le forcer à la tempérance et, par saint Aubin, nous y arriverons!".
     Le curé prend alors contact avec le trio de joueurs de cartes qu'il reçoit chaque semaine et, à quatre, il complotent toute une soirée...
     Le soir après la paye de la quinzaine suivante, Mathieu s'en revenait dans la nuit en zigzaguant  par la route du Lilot. Une lueur dansait au loin du côté du rocher de Râwia. Notre homme s'en approchait mais semblait hésitant et peu rassuré. Il arriva au pied de la roche pour la contourner. La lueur semblait venir de derrière le tournant et c'est timidement que Mathieu s'avança...
     Un spectacle effrayant le glaça jusqu'à la moelle : un spectre se balançait dans une fluorescence verdâtre. " Arrête, mortel! " dit le spectre, " et écoute le message de l'autre monde! ". Mathieu tomba à genoux de frayeur, son ivresse l'y aidant sans doute un peu. " Ton père t'envoie dire du purgatoire: Mathieu mon fils, tu avances ta dernière heure par ton vice  de buveur. Chaque goutte que tu bois raccourcit ta vie d'une heure. Tu te saoules trois fois par semaine en buvant chaque fois une vingtaine de gouttes. Il y a vingt-deux ans que tu boit: tu as avalé 68640 gouttes; dans quelques jours tu auras raccourci ta vie de huit ans! J'ai vu le livre de saint Pierre: il te reste encore huit jours à vivre!".
     " Hou! Hou! " sanglotait Mathieu. - " Tu peux racheter ces huit ans ", dit le spectre. " Il suffit, chaque jour qui te reste, d'avaler une jatte de lait et de ne plus toucher à l'alcool ".
       " Je veux bien ", dit Mathieu, " mais je n'aime pas le lait ".
    " Peu importe ce que tu aimes! Tu n'as pas le choix! il faut accepter ou mourir la semaine prochaine ".
       " Mourir! " gémit Mathieu, " j'aime encore mieux le lait! ".
      " Mais cela ne suffit pas : tu dois payer ton vice et l'extraire de ton corps. Ne bouge pas, je vais t'y aider ".
     Et voilà qu'un bâton invisible se met à marteler le dos et les jambes de Mathieu,glacé d'effroi. La bastonnade dura longtemps et dessaoula l'ivrogne qui tomba épuisé sur le bord du chemin. Le spectre avait disparu et l'on entendait trois voix  qui remontaient le sentier du Fourneau; on aurait même dit qu'elles étaient entre-coupées d'éclats de rire... Mais enfin la farce réussit, Mathieu Pèquet resta huit jours au lit pour soigner son dos endolori et sa jaunisse. Il but force pintes de lait , y prit goût et décida d'acheter une chèvre. La chèvre ne suffit pas, il en fallu une deuxième. L'entretien des bêtes lui demandait beaucoup de travail et l'obligeait à rentre tout droit de la papinerie. Plus tard, il acheta une vache et n'eut plus alors le temps de s'arrêter au cabaret.




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